Le carnet de Nòlmë

Les humains aiment les histoires, cela les fait rêver, cela leur donne de l'espoir. Voici donc une histoire que je leur ai conté.

Voici l'histoire d'un souverain, un souverain qui règne d'une poigne de fer sur un royaume florissant et prospère. Un souverain sévère mais juste, il était respecté de ses sujets et personne ne remettait en doute la sagesse de ses décisions.

Malgré toute la bonne volonté qu'il avait, il arriva un moment où ce souverain décida de se faire assister par des conseillers. Mais il fallait que ceux-ci soient loyaux, qu'il puisse compter dessus, qu'il soit sûr qu'ils obéiraient et ne chercheraient pas à profiter de la situation. Le pouvoir est quelque chose qu'il ne faut pas placer entre les mains de n'importe qui. Aussi, il organisa un petit test et fit mander tout les prétendants.

Je vais maintenant m'attarder sur l'un de ces prétendants, un jeune homme curieux, cultivé, loyal, bien habillé et bien éduqué, semblant doté d'une forte empathie. Un candidat interessant en somme. Le souverain le convoqua et lui tint ses mots :

"Cher prétendant, voici mes instructions, écoute attentivement. Je dois m'absenter durant deux semaines pour une expédition diplomatique dans un royaume voisin. Aussi, en mon absence, je te fais maitre de mon royaume et de ma demeure. Durant ces semaines, tu pourras jouir de mes biens, ma bibliothèque, mon atelier de magie, tout sera à toi..."

Notre prétendant ne cacha pas un léger sourire de satisfaction en entendant son souverain lui offrir ainsi sa confiance tandis que celui-ci continuait à lui énoncer les "conditions".

"Mais tu ne devras pas toucher à ma cave à vin."

Cette dernière condition le laissa perplexe, pourquoi la cave à vin ?

"As-tu bien compris, prétendant ?"

"-Oui, Monseigneur".

Il s'inclina bien bas devant le souverain qui lui sourit, satisfait, lui plaçant un jeu de clés entre les mains avant de se détourner vers la sortie. Ainsi commença le test de notre candidat.

Faire prosperer un tel royaume était un travail colossal, même si aucun incident notable vint troubler le début de semaine, notre candidat croulait sous la masse de travail, les sollicitations, les doléances, les biens du Royaume, l'organisation de l'armée, les centres culturels... Il mit quelques temps à s'habituer au rythme endiablé des journées, n'ayant guère le temps de penser à autre chose qu'à son travail.

Les fin de semaines se révélaient plus calme et moins chargés, il put donc se consacrer à l'étude des écrits de son souverain, à l'expérimentation dans son atelier, peut être même ramener quelques femmes avec lui. Durant la première fin de semaine, il put se détendre, profitant du luxe d'être considéré comme un souverain.

Il avait prit l'habitude et la deuxième se passe également bien, le peuple semblait satisfait et le test touchait à sa fin. Le jeune candidat frémissait de revoir son souverain mais... Il voulait également découvrir ce qu'il se cachait dans la cave à vin, malgré l'interdit. Que faire ?

Son seigneur risquait de revenir, il se demandait ce qu'il pouvait cacher de si important dans sa cave à vin, de si important qu'il ne pouvait en parler, même à un de ses futurs conseiller.

Il alla voir. Il est allé vers la porte interdite, l'ouvrit avec la clé que lui avait donné son souverain et descendit les marches avec prudence. Plus il s'enfonçait, plus il faisait sombre, l'air était lourd, presque palpable. Il avait l'impression de toucher l'obscurité.

Une chose était sûre, cette cave à vin n'avait rien d'une cave à vin. Qu'était-ce alors ? Bien décidé à le savoir, notre candidat fit rapidement le tour des lieux, attiré par une odeur qu'il connaissait bien... Mais qui n'était pas celle du vin... Une odeur lourde, oppressante, riche en pouvoir, riche en corruption... Une odeur de démon.

Il y avait un démon dans cette cave, apparemment enfermé par un puissant dispositif magique... Un très puissant dispositif, c'était cela qui le broyait depuis qu'il était descendu, c'était cette sensation qui le faisait suer. La prison était maintenue par des liens magiques, alimentés par des drains... Suivant ceux-ci du regard, il découvrit avec horreur que ces drains étaient alimentés par d'autres jeune hommes maintenu dans un état de semi-vie. Probablement les autres prétendants curieux...

Comprenant son erreur, notre jeune homme remonta rapidement et sortit de là, refermant la porte à clé avant de la retirer. Etait-ce la hâte ? le geste tremblant et peu assuré ? Un piège de son souverain ? On ne le sait pas, mais ce que l'on sait, c'est que la clé se brisa dans la serrure. Son souverain n'allait pas tarder et il lui fallait faire en sorte que cela ne se découvre pas... Autrement, il savait comment il allait finir.

Il tenta dans un premier temps de récupérer le fragment brisé, sans succès, le morceau de métal semblait scellé dans la serrure. Il mit en pratique toute ses connaissance, tout le potentiel que lui offrait l'ateler de magie, il donna le meilleur de lui même mais ne put réparer la clé. Toutefois, il parvint à en fabriquer un double, esperant que cela tromperait son souverain assez longtemps pour pouvoir fuir.

Un acte de lâcheté... Et souvent, le destin punit les lâches et les couards.

Son seigneur revint de son voyage et fit aussitôt convoquer notre candidat afin de récupérer son jeu de clé. Celui-ci répondit à la convocation, jouant son rôle à la perfection, lui rendant le jeu de clé avec la fausse.

Rien.

Aucune remarque, aucun haussement de sourcil, aucune réaction. Sa copie était parfaite, le souverain ne s'était apparemment pas rendu compte de la supercherie. Il se dirigea vers les registres afin de les consulter, son visage affichant un air surpris, agréablement surpris.

"Prétendant, tu as été remarquable, jusqu'à présent, je n'avais encore jamais testé quelqu'un d'aussi prometteur que toi. Je pense que je vais pouvoir arrêter de recevoir pour annoncer que j'ai choisi."

Il marqua un temps d'arrêt, puis esquissa un léger sourire que l'on peut objectivement qualifier de cruel, même si ce n'est pas ce qui a sauté aux yeux de notre candidat.

"Je vais organiser un banquet pour fêter ta réussite, femmes, nourritures et vins seront au rendez vous. Viens avec moi, nous allons préparer tout cela. Il s'agit de ton banquet, c'est à toi de choisir ton vin".

Ainsi se referma le piège, il croyait l'avoir dupé, mais au final, c'est lui qui était piégé, il ne pouvait refuser sous peine d'avouer sa faute, mais il ne pouvait accepter car le souverain découvrirait alors la clé. La fuite n'était pas une solution, l'étreinte presque paternelle de son souverain, le tenant par l'épaule, lui interdisait toute fuite.

Il se résigna et se dirigea vers la cave à vin avec son seigneur. Il le guidait vers la cave, le souverain marchait d'un pas affirmé et sûr de lui tandis que la démarche du candidat trahissait son stress. La présence était toujours là, oppressante, énivrante, immonde.

Le souverain s'arrêta devant le démon, le désignant d'un geste théâtral.

"Voici mon oeuvre, prétendant, voici ce qui donne à notre pays la prospérité, voici ce qui est le moteur de nos vies. Il est la batterie sur laquelle notre royaume repose, il est vos vie, il est votre pouvoir, il est notre richesse."

Il s'assombrit un peu, continuant avec un ton plus sombre, plus inquiétant

"Toutefois... Nous prosperons beaucoup trop, et je ne pouvais laisser les choses se dégrader. Il me fallait réduire les consomateurs d'énergie et accroitre la puissance de la prison qui le maintient prisonnier. J'ai donc organisé ce test afin de réunir mes sujets les plus ambitieux, les plus cultivés, les plus riche en énergie... Afin qu'ils contribuent à notre prospérité d'une manière plus active."

Le souverain releva doucement la tête, plantant son regard étincelant dans celui du prétendant

"Tu va les rejoindre, afin d'assurer la prospérité de notre peuple et de notre royaume. Il est normal, après t'avoir prêté tant de pouvoir, que tu les rendes, c'est dans l'ordre des choses".

Je vous épargne les détails de sa mort, qui ne seraient bon qu'a rassasier ceux parmi vous qui sont avide de récit morbide. Je vais finir sur mon avis personnel.

Ce souverain a fait ce que tout bon souverain se doit de faire ; sacrifier l'individu au profit de la communauté. En sacrifiant ainsi la vie d'un individu, il a permi a l'ensemble de son peuple de continuer à jouir d'une vie prospère.